Wednesday, June 27, 2012

Je n’avais jamais pensé voir, de mes yeux, des chevaux sauvages un jour.

Berenika Bratny pour Academia Liberti

Je n’avais jamais pensé voir des chevaux sauvages un jour. J’ai lu sur les Mustangs, les chevaux de Przewalski en Ukraine, et me demandais comment ce serait de les voir en communion avec la nature. Je les avais toujours imaginés comme des animaux sauvages — chevreuils, cerfs — broutant à distance. Dans mes rêves d’enfance j’étais un indien d’Amérique rampant dans les taillis pour saisir un de ces moments d’eux en vrai. Je me demandais à quel point leur comportement pourrait être différents des chevaux domestiques que je connaissais si bien. J’imaginais que, les voir dans leur milieu me permettrait d’avoir un aperçu de qui ils étaient vraiment, lorsqu’ils ne sont pas dérangés par la présence de l’homme.

Récemment, avec des amis, j’ai eu l’occasion d’aller voir un troupeau de konik polski sauvages dans la grande réserve naturelle du Parc national de la rivière Biebrza. Il s’agit d’un grand troupeau qui vit librement sur plus de 200 hectares de terrains variés — marécages, prairies, forêts, pâtures. Ils ne sont pas seuls là-bas — vous pouvez voir des empreintes d’élans, de chevreuils et même de loups dans la région.

Nous sommes arrivés à la Maison forestière de Dusk où deux guides nous attendaient — Irek et Ania. Ils s’occupent des chevaux, ils connaissent leurs déplacements et Ania va les voir tous les deux jours pour observer comment ils vivent.

Nous somme partis pour une excursion fascinante. Le trajet était stressant et long, nous avons erré dans les marécages au milieu d’herbes et de fleurs incroyablement grandes, à travers une forêt de chênes et à travers les prairies. Nous nous sommes arrêtés à certains endroits où les chevaux sont habituellement, mais ne les avons pas trouvés. Le soleil montait, il faisait de plus en plus chaud. Sur le chemin, Ania, qui travaille ici depuis 7 ans, nous a raconté des histoires sur le troupeau. Elle se remémorait un jour où elle trouva deux étalons de deux hardes différentes qui manquaient — il n’y avait là que les juments et les poulains sur la prairie — ce qui était intéressant et inhabituel — deux hardes mélangées. Elle fit une recherche des étalons et les trouva un kilomètre plus loin, sur une autre prairie en train de brouter ensemble. Elle nous dit que cela ne s’était jamais produit auparavant parce que les deux troupeaux vivaient habituellement éloignés et que les étalons n’étaient pas particulièrement amis. Elle nous raconta alors une autre histoire. Un jour un groupe de vétérinaires est venu pour examiner les chevaux. Le troupeau restait introuvable. Ania parcouru les prairies et la forêt toute la journée en vain. Dès que le groupe de vétérinaires décida de s’en aller et qu’elle s’est retrouvée seule sur une petite prairie entourée par la forêt, elle distingua un cheval qui la regardait caché derrière un arbre. Un à un les chevaux sortirent de leur cachette pour venir à sa rencontre. “C’est comme s’ils avaient envoyé cette jument en éclaireur pour vérifier si les vétérinaires étaient partis” — Elle rit en se remémorant la scène.

J’avais peur que la même chose puisse se produire lors de notre excursion. Peut-être que les chevaux nous considèreraient comme une menace et restent cachés dans les fourrés?

La chaleur devenait intenable. Ania décida de vérifier la zone de “la plage des chevaux” — des dunes de sable aux alentours de la forêt. Elle marchait en tête et d’un seul coup, je l’ai vu bouger, sauter et nous appeler pour nous dire qu’elle les avait trouvés. J’ai pensé: “Elle va effrayer les chevaux”. Je l’ai vu retirer ses bottes en caoutchouc et… courir tout droit, pieds nus, vers un troupeau de chevaux sauvages.




L’image était à couper le souffle — une foule de corps couleur sable et de crinières — les poulains endormis allongés sur le sol, quelques juments en train de se rouler, certains se reposant avec les yeux à demi clos — absolument pas dérangés par le comportement d’Ania. Elle courut au milieu du troupeau, les appelants par leurs noms, grattant ceux qui venaient pour recevoir des caresses. Ils se rassemblèrent autour d’elle. D’un seul coup elle devint plus excitée — elle remarqua un poulain de deux jours se cachant derrière la jambe de sa mère. La jument approcha, renifla les cheveux d’Ania, le bébé se tenant juste derrière elle. A distance cela ressemblait à une mer de crinières, de queues et de nez entourant un être humain — leur être humain qui leur rendait visite. Tous les chevaux étaient très doux. Ils semblaient impatients de la toucher ou d’être près d’elle mais sans se battre entre eux. L’image de cette femme pieds nus au milieu du troupeau de chevaux sauvages me restera à jamais.




Nous avons approché pour prendre des photos. Les chevaux n’étaient absolument pas dérangés par notre présence. Ils ont observe nos appareils photo pendant un moment, puis, certains ont approchés pour nous renifler, exploré nos sac à dos et ont finalement présenté des parties de leur corps pour réclamer des caresses. Nous avions tous la sensation que le temps s’était arrêté, à cet instant tout était réuni — la respiration calme des poulains endormis, le chant des oiseaux accueillant le printemps, de temps en temps le bruit d’un pied de cheval piqué par un taon qui frappait le sol. Tout était parfait ainsi, le temps n’avait pas de limites et il n’y avait plus de mystère — un moment parfait.

Ces chevaux ne connaissaient pas les selles, les licols, les homes sur leur dos ou l’entraînement de quelque sorte. Toute leur vie ils s’étaient déplacés librement dans les espaces ouverts des marécages de Biebrza. La plupart d’entre eux étaient nés là et avaient vécu toute leur vie sans être dérangés par les besoins, les attentes et les idées des hommes. Les seuls avec lesquels ils étaient en contact — Ania et Irek, sont des gens qui surveillent le bien-être du troupeau. Ils ne font que leur rendre visite, leur offrir quelques caresses, passer du temps avec eux, se coucher dans la prairie et les observer. Ils en savent beaucoup sur chaque membre du troupeau, ils voient s’ils sont heureux et en bonne santé.




A un moment Ania, qui était assise au milieu du troupeau et parlait au téléphone, se leva et décida que la visite était terminée. Nous étions curieux quant au pourquoi. “Je sens qu’ils en ont assez que nous fassions des photos et que nous dérangions leur sieste. Allons nous en, sans quoi ils vont quitter la plage”. A cet instant je réalisai combien la connexion qu’elle avait avec les chevaux était profonde. Elle avait ressenti leurs émotions avant que quiconque n’ait pu noter le moindre changement dans leur comportement. Leur bien-être était plus important pour elle que l’excitation de touristes faisant des photos. Les chevaux en avaient assez de notre présence donc nous devions les quitter sans plus les déranger.




Sur le chemin du retour je me remémorais mon rêve d’enfance dans lequel je rampais dans les taillis pour apercevoir des chevaux sauvages. Comme cette expérience était loin de ce à quoi j’avais pu m’attendre! J’étais la bienvenue au milieu de ces animaux et me suis immédiatement sentie immergée dans le calme de leur présence, sans rien en attendre ni aucun besoin — Ils ont juste partagé quelque chose avec nous — quelque chose qui a été perdu au cours des années de quête de civilisation et pourtant quelque chose de si évident pour eux. Pendant un instant j’ai compris que nous pourrions ne faire qu’un avec eux, tout comme ils font un avec la nature environnante. Tout allait dans le bon sens, tout était parfait, du début à la fin sans interruption. Si seulement nous pouvions apprendre des chevaux au lieu de leur enseigner, alors nous comprendrions cela chaque seconde de notre vie.












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